Pendant l’épouvantable guerre de Trente-Ans les villages de la Vallée furent cruellement ravagés par les troupes suédoises, françaises et impériales. Plusieurs villages subirent l’incendie, le pillage et la dévastation. Le village de Rebeuvelier, en 1636, eut le malheur d’être envahi par les Suédois qui mirent le feu au village qui fut entièrement brûlé, avec l’église et la cure. Deux pauvres maisons seulement échappèrent au désastre, Le curé, A. Servais Comte, ne put survivre à l’anéantissement de sa paroisse et mourut à Delémont la même année (en mai 1636).
La paroisse anéantie fut annexée à celle de Vermes jusqu’en 1763. En 1732, l’église de Rebeuvelier avait été rebâtie et consacrée par le suffragant Haus, évêque de Messala, le 8 septembre de la même année.
Les paroissiens de Rebeuvelier firent alors d’actives démarches auprès du Prince-évêque de Bâle pour obtenir la séparation de Vermes et un curé résidant dans leur village.
Le Prince, Simon Nicolas de Montjoie, le 22 août 1763, se rendant aux ardents désirs des gens de Rebeuvelier, rendit un décret qui démembra l’église de Rebeuvelier de celle de Vermes et ordonna le rétablissement d’un curé résidant.
Le curé de Vermes, Triponé, se basant sur le droit canonique, refusa de se désister de l’administration de la paroisse de Rebeuvelier. Il fut alors convenu que cette séparation n’aurait lieu qu’après sa mort ou son changement.
Dix ans après ce décret le curé Triponé vivait toujours et ne voulait pas faire desservir Rebeuvelier par un vicaire résidant, comme le Prince l’avait ordonné.
La commune de Rebeuvelier fit prendre au château de Porrentruy une copie du décret du Prince-Evêque, copie qui se trouva conforme :
« Simon Nicolas par la grâce de Dieu et du St-Siège apostolique évêque de Bâle, Prince du St-Empire romain, etc., etc. »
A tous ceux que les présentes verront, etc.
» Sçavoir faisons que vû par nous la requête des habitants des communautés de Vermes et de Rebeuvelier, tendant à ce qu’après la promotion ou le décès du sieur Triponé leur curé commun les églises de Vermes et de Rebeuvelier soient desservies comme d’ancienneté, chacune par un propre curé en titre sous les offres et soumissions faites par les dites communautés à ce duement autorisées de construire à leurs frais un presbytère dans chaque endroit et de l’entretenir à perpétuité. Vû aussi le procès-verbal de visite et descente sur les lieux faite le 21 du mois de juillet dernier par notre provicaire général et official commissaire en cette partie et celui contenant les dires, réquisitions et soumissions desdits habitants et communautés de Vermes et Rebeuvelier duement autorisées comme dit est ci-dessus, ensemble l’estimation des revenus quelconque que le sieur curé perçoit dans les deux endroits, faites en présence de toutes les parties. Le tout vu et considéré et ouï notre Promoteur en des conclusions auquel le tout a été communiqué le Saint Nom de Dieu invoqué et faire Conseil, faisant droit sur la demande Nous disons, statuons et ordonnons que pour la plus grande gloire de Dieu, commodité et utilité des habitants et communautés de Vermes et Rebeuvelier, après la promotion ou le décès du sieur Triponé leur curé commun, les églises desdits Vermes et Rebeuvelier de notre patronage et collation libre seraient séparées et desservies in Divinis, comme d’ancienneté, chacune par un propre curé, en titre résidant : Ordonnons en conséquence que le presbytère de Vermes sera incessament réparé, si mieux n’aiment les paroissiens de bâtir à neuf, et que les habitants et communauté de Rebeuvelier bâtiront pareillement à leurs frais un presbytère avec grange et écuries à l’endroit indiqué audit procès verbal de visite et suivant les plans et devis qui en seront au préalable dressés et approuvés. A l’effet de quoi le sieur curé de Vermes [ : dont dépendront les habitants d’Elais et d’Envelier :] percevra pour compétence tous droits, revenus et émolument quelconques dont le curé commun renvoie de quatre mots à jouir jusqu’ici ou dû jouir dans le ban et territoire de Vermes, et jouira en outre du pré de l’Essersteff en nature de clos, conformément aux offres et soumissions des habitante et communauté dudit lieu contenues aux susdit procès-verbal de visite. Le curé particulier qui sera établi à Rebeuvelier percevra pareillement pour compétence tous les droits, revenus et émoluments quelconques dont le curé commun à joui jusqu’ici ou dû jouir dans le ban et territoire dudit lieu et jouira en outre d’une petite pièce de clos appartenant à Jean Schaller le cloûtier, dont acquisition sera faite aux dépens de la communauté, ensemble d’un circuit de communal tel qu’il se trouve indiqué par ledit procès verbal au clos qui faisait déjà ci-devant partie de la dot du curé commun, avec un jardin potager pareillement indiqué par ledit procès-verbal.
» De visite le tout conformément aux offres et soumissions de la communauté dudit lieu y contenues. Sauf à nous de régler si besoin et le casuel que chaque curé particulier aura à percevoir de ses paroissiens pour les différentes fonctions de son ministère en renouvellant les rôles des paroisses. Ce fut fait, réglé et donné sous le sceau de notre Cour épiscopale en notre château de Porrentruy le vingt deux d’aoust mil sept cent soixante trois. »
Et tiré pour copie conforme au château de Porrentruy le vingtième de mars mil sept cent soixante quatre par M.Voisard secrétaire.
» Extrait collationné et trouvé mot pour mot conforme à la susdite copie l’atteste à Rebeuvelier le vingt-neuvième 7bre mil sept cent septente et un.
»J. G. Schaller, notaire. »
Le curé Triponé ne voulut pas entendre parler d’un démembrement de sa paroisse Se basant sur le droit canonique, il prétendait conserver sa juridiction sur Rebeuvelier.
Une nouvelle enquête fut faite, par ordre du Prince-Evêque par le Promoteur de l’Evêché de Bâle, Thomas Valentin Haener. Cette enquête fut transmise au Souverain dans la forme suivante :
6 mai 1772
Remontre très-humblement Thomas Valentin Haener prêtre ; docteur en théologie, chanoine de l’insigne église collégiale de St-Ursanne et Promoteur du diocèse de Bâle disant, qu’anciennement l’église de Rebeuvelier aurait été paroissiale et desservie par un prêtre et curé en titre, comme il conste tant par le Role de 1565 fait, sous le Prince Melchior, à la réquisition de M. l’archidiacre, des ville et magistrat de Delémont, ainsi qu’à celle des communautés du Chapitre rural de Salignon ; que par d’autres actes de 1563, 1575, 1613, 1621, du 9 février et du 10 septembre dont le dernier entre l’énoncé des revenus dudit bénéfice cure ; par d’autres encore de 1622, 1623, 1628, 1629, 1636 et notamment par le décret de Votre Altesse du 22 août 1763, sub littera A ci-joint que la triste époque, à laquelle les habitants de Rebeuvelier se virent privés de l’avantage d’être desservis in divinis chez eux, aurait commencée au temps des guerres, auxquels le village et l’église auraient été incendiés ; à la suite de ce fléau, sçavoir environ 1653 le Prince François ordonna la rebâtisse de l’église sans cependant les repourvoir d’un curé pour les desservir, de manière que dès ce temps et jusqu’ici ils se trouvent dans la nécessité de se transporter jusqu’à Vermes pour assister aux offices de paroisse.
Les différentes tentatives que depuis ils ont faites par reprises ; ont été (n’onobstant leur bon droit, comme il conste suffisamment par décret du 19 avril 1693, dont copie ci-jointe sub litt. : B) infructueuse et ce précisément pour défaut de compétence suffisante à l’entretien d’un sr curé, jusqu’en l’année 1763, en laquelle il a plu à Votre Altesse ordonner par décret du 22 août, ensuite d’une visite et descente sur les lieux faites le 21 juillet précédent, qu’après la promotion ou décès du sr Triponné curé commun, les églises de Vermes et Rebeuvelier seraient séparées par un propre curé en titre résidant ; qu’en conséquence les habitants et communauté de Rebeuvelier bâtiront pareillement à leurs frais un presbytère avec grange et écurie.
A la suite de tout cela Votre Altesse a déjà décidé et déterminé, d’après les offres et soumissions des habitants de Rebeuveller, les revenus devant faire la compétence d’un sr curé du lieu.
Il appert évidemment par le dispositif de ce décret que Votre Altesse a reconnu la nécessité qu’il y a, de desservir sur les lieux les habitants de Rebeuvelier, en effet la distance des lieux, l’impraticabilité des chemins entourés de montagnes et couverts de neige pendant une grande partie de l’année, le grand nombre de paroissiens dispersés ci et là dans des métairies, tout se réunit pour justifier cette nécessité.
Les habitants de Rebeuvelier pour se conformer au dit décret, ont de suite dôté le presbytère, grange écurie et toute dépendance dans un état convenable à pouvoir loger leur futur curé ou un desservant en attendant. Ces efforts, qu’ils ont faits, sont une preuve convainquante de la nécessité et du besoin urgent dans lesquels ils se trouvent.
Ils espéraient que le sr Triponné, curé moderne ne les rendrait pas inutiles, qu’il se hâterait à tirer cette partie du troupeau confié à ses soins du funeste danger auquel il est continuellement exposé, soit en acceptant un autre bénéfice, soit, attendu l’impossibilité manifeste de sa part de secourir dans des cas pressants plusieurs malades, qui pourraient s’y trouver, en s’associant un prêtre approuvé par Votre Altesse, lequel résiderait sur les lieux pour desservir et administrer conjointement avec lui et sous sa direction une paroisse aussi nombreuse ; mais ils ont la douleur de voir que mon dit sr Triponé ne veut se déterminer, ni à accepter un autre bénéfice, ni à s’associer de vicaire, de manière que d’un côté les bâtiments restent depuis leur construction sans être habités et se trouvent par là exposés et sujets à ruine ; d’un autre les habitants aux malheurs et accidents qui suivent du défaut d’une desserte reconnue indispensable, sçavoir que les vieil-lards, des femmes grosses, les jeunes gens n’assistent pas pendant une bonne partie de l’année aux offices de paroisse et instructions ; que le sr curé ne pourra être averti à temps pour porter les derniers et plus essentiels secours aux moribonds.
Se remontrant a en outre l’honneur d’observer à Votre Altesse :
l° que quoiqu’elle ait déjà par son susdit décret de 1763 réglé la compétence à percevoir du curé de Rebeuvelier le cas échéant, une personne pieuse vient encore y faire une fondation d’un rapport de 65 livres par an ;
2° que les deux communautés de Vermes et de Re-beuvelier viennent, sous l’autorité de la Seigneurie, de se soumettre à faire et céder dès à présent, ce quoi elles s’étaient engagées, pour n’avoir lieu que lors du décès ou promotion du sr Triponné, dans le Procès-verbal du 21 juillet 1763, moyennant que celui-ci mette un vicaire au lieu de Rebeuvelier, comme le tout appert par les actes ci-joints sub. litt. C. D E.
Se rencontrant et entièrement persuadé que les habitants de Rebeuvelier se trouvent déjà actuellement, au moins dans le cas (comme il est plus que besoin, préjugé par le décret souvent dit décret de 1663), prévu par le Concile de Trente, session 21. chapitre 4, de Reformatione :
Episcopi etiam tamquam Sedis apostolicae delegati, dit ce concile, in omnibus Ecclesiis parochialibus vel baptismalibus in quibus populus ita numerosus sit ut Rector non possit sufficere ecclesiasticis sacramentis ministrandis et cultui divino peragendo, cogant Rectores et alios, ad quos pertinet, sibi tot sacer dotes ad hoc munus adjungere, quo sufficiant ad sacramenta exhibenda et cultum divinum celebrandum, in iis vero in quibus ob locorum distentiam sive difficultatem parochiam sino magno incommodo ad percipienda sacramenta et divina officia audienda accedere non possunt, novas parochias, etiam invitis Rectoribus, junta forman constitutionem Alexandri III quoe incipit ad audientiam, constituere possint.
C’est l’exécution de ce règlement que réclament les habitants de Rebeuvelier ; le remontrant par ou le ministère doit y veiller et en a en conséquence averti, il y a trois mois passés, le sr curé moderne, ce n’est que sur son refus, de vouloir concourir efficacement à cette demande et se charger d’un vicaire, retenu en sa réponse du 31 janvier dernier, qu’il a l’honneur de présenter sa requête.
A ce que, vu les pièces ci-jointes et eu égard aux raisons et puissants motifs énoncés ci-dessus et a déduire ultérieurement, si besoin est, de même qu’aux offres faites par les deux communautés de Vermes et de Rebeuvelier, il plaise à Votre Altesse, comme Révérendissime Ordi-naire,enjoindre au curé de Vermes de s’associer un prêtre spécialement pour ce approuvé qui résidera dans le pres-bytère du dit lieu de Rebeuvelier, pour y desservir les ha-bitants in divinis et s’acquitter enfin d’une partie des fonctions auxquelles le dit curé pour cause de grand nombre de paroissiens éloignés les uns des autres avec la plus grande exactitude ne peut suffir et ferez bien.
Porrentruy, ce 6 mai 1772.
Thomas Valentin HAENNER,
Promoteur du diocèse de Bâle.
Le prince-évêque de Bâle, Simon de Montjoie, après avoir pris connaissance de tous les actes concernant le rétablissement de la paroisse de Rebeuvelier et devant l’obstination du curé de Vermes, M. Triponné, s’appuyant du reste sur la décision du Concile de Trente, porta un jugement définitif, par le décret suivant :
Vu le présent Réquisitoire et pièces mentionnées et jointes, notamment les offres et soumissions contenues tant en la requête de la communauté de Vermes du onze janvier dernier ensemble l’acte de procuration donné par la dite communauté aux fins d’icelle et sous l’autorisation du Juge des lieux le six du même mois, y joint, qu’en celle de la communauté de Rebeuvelier du même jour onze janvier dernier, ensemble l’acte de procuration donné sous l’autorisation du même Juge des lieux aux fins de la dite requête le huit du même mois, aussi y joint.
Faisant droit sur ledit réquisitoire, avons ordonné et ordonnons que le sieur Triponé, curé actuel de Vermes et Rebeuvelier sera tenu, dans le mois après signification, d’entretenir un vicaire amovible, par nous à ce spécialement approuvé, qui fera sa résidence au presbytère nouvellement construit dans le lieu de Rebeuvelier, pour y desservir in divinis les habitants dudit lieu, leur administrer les saints sacrements, acquitter les fondations, notamment celles par Nous acceptées en faveur de l’église de Rebeuvelier le vingt-quatre octobre de l’année dernière, et faire régulièrement les offices divins, prônes et catéchismes chaque jour de dimanche et feste, et toute autre fonction paroissiale, en l’église de Rebeuvelier ; le tout sous la direction du dit curé de Vermes.
Pour rétribution de laquelle desserte ledit vicaire aura son logement au presbytère susdit et jouira du jardin potager en dépendant, percevra les offrandes, la rétribution des fondations et les droits d’étole et de telle pension ou autre dont le dit curé conviendra avec lui si mieux ils n’aiment être réglés d’office. A l’effet de tout quoi et pour mettre le souvent dit curé de Vermes mieux en état de fournir à l’entretien susdit, avons accepté et acceptons les offres et soumissions des communautés de Vermes et de Rebeuvelier mentionnées ci-dessus.
Donnons en conséquence audit sr Triponé droit aux avantages, retenu ès dites offres et soumissions ainsi qu’à la jouissance des fonds y énoncés dès qu’iceux seront mis en du état, et, en attendant, à la perception d’un équivalent dont il sera convenu entre lui et les dites communautés sous l’autorisation de qui il appartient ; la faisant, avons réglé les portions de bois d’affouage à fournir par la communauté de Vermes au dit sr curé dudit lieu, et par la communauté de Rebeuvelier au vicaire desservant ce dernier endroit, chacune à la quantité de douze cordes par an. Moyennant quoi l’alternative des offices faits jusqu’ici chaque troisième dimanche et feste de l’année par la curé de Vermes en l’église de Rebeuvelier sera et restera éteinte et supprimée et ledit sr curé chargé de faire dorénavant ces dits jours l’office divin en l’église de Vermes.
Permettons au sr Triponé de relever au greffe de Notre Cour ecclésiastique des copies en due forme des requêtes et actes de soumissions : mentionnées ci dessus, et produites par les communautés de Vermes et de Rebeuvelier.
Fait et réglé en Conseil Ecclésiastique en Notre château de Porrentruy et donné sous le seing de Notre suffragant et vicaire général et l’apposition de Notre Sceau Pontifical l’onzième jour de may mil sept cent soixante et douze.
(Signé) J. B. J., Evêque de Lydda suffrag. et vic. géner.
Par ordonnance ; J. VOISARD, secrétaire.
Le décret du Prince Simon Nicolas de Montjoie qui établissait un vicaire, résidant à Rebeuvelier, fut communiqué au curé Triponé par le doyen du Chapitre rural de Salignon M. Morel, curé de Develier.
« Ce jourd’hui, 14e de may mil sept cent soixante et douze, je souscris, après lui en avoir fait lecture dans son presbytère de Vermes, ai signifié le présent décret au sr Triponé, curé à Vermes, en lui délivrant en même temps une copie du dit acte qu’il a accepté.
» Jean Pierre Boillat, des Breuleux, fut installé comme vicaire de Rebeuvelier. Peu de temps après le curé Triponé de Vermes mourait, dans sa 51e année et Rebeuvelier fut alors érigé en paroisse indépendante.
2005-2024 © Pro Val Terbi - Tous droits réservés
Ce site est géré sous SPIP 3.0.17 [21515] et utilise le squelette EVA-Web 4.2
Dernière mise à jour : vendredi 25 octobre 2024